Egon in the kitchen
Des reproductions de tableaux modernes ou anciens, des
objets d'Art du monde entier photographiés avec soin, des sculptures, des
masques, de la peinture, des dessins...
Ma mère a récupéré cette
impressionnante collection de cartes postales chez sa sœur aînée. Elle a pris
le temps ces dernières années d'envoyer ces reproduction d'œuvres d'Art, couchant au verso ses allées et venues, ses pensées, sa tendresse aux uns et aux autres.
Avant, ce petit musée privé tournait sur un présentoir dans
l'entrée, chez ma tante. Cette femme qui vivait seule, belle, secrète, un brin
rigide, exposait ainsi la beauté du monde chez elle. Elle avait pu se payer cet
appartement sur cour dans Paris, se résignant toutefois à se passer de la lumière
du jour. Nous étions voisines. Je lui rendais souvent visite et m'attardais à
chaque fois sans y penser sur ces images, arrêtée par leur puissance qui perçait même à travers cette fenêtre 10x15, dans ce mini-corridor
haussmannien.
Ce nu d'Egon Schiele m'est arrivé par courrier, l'été dernier, après un détour par Dijon et l'Ardèche. Le génie de l'autrichien,
le délicat et la violence du tracé, le choix de ces quelques couleurs, les
vides, la pause, la peau du modèle. L'image, mes yeux, mon cœur, mon
ventre, l'émotion, directe, c'est fascinant. Comme
les autres, cette carte avait été choisie par ma tante, cette dame bien comme
il faut, prude, qui toute sa vie avait collecté ces images fulgurantes, avant
d'emmêler les jours de la semaine, les heures, avant de se perdre dans son
quartier puis dans sa rue, avant de s'égarer dans les mots, dans une phrase,
avant qu'on ne vende et qu'on ne vide son appartement, avant de vivre dans cet
établissement spécialisé, avant de quitter notre monde, avant de s'éteindre,
avant la semaine dernière.